Instant-Né : Figure en apnée

Après la première impulsion,
le corps se déploie
On embrasse presque la mosaïque dure.

C’est l’instant précis où basculent les jambes
frôlant la nuque

Et soudain les sinus se rétractent
sous l’invasion d’eau bleuie

Lorsque les hanches se tordent
que timide le sexe hésite à rêver
On ouvre les yeux ;

Là, une distance s’ouvre
clartés mobiles
bleu
parois ondoyantes sous la vision trouble

Alors on remonte
ici surtout pas de stabilité
ou ce serait l’étouffement
Alors on remonte
Les bras se lèvent, comme pour
adorer le soleil perçu derrière
la membrane mince des eaux ;

Alors on remonte, et encore
un éclat de temps traîne sous les pieds
car ce qui pourrait être un reste d’âme
flotte
et protège du
retour à la surface

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(Beaucoup plus loin, là où les yeux
voient de nouveau net,
se propage le ciel
recueilli ravagé de lumière pure.)

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Capté le 07/08/15
Réfléchi du 07/08 au 08/08;
Écrit le 08/08/15 aux alentours de 20:40

3 thoughts on “Instant-Né : Figure en apnée

  1. En lisant ton poème, j’ai pensé à celui-là, peut-être à cause de “membrane mince des eaux” qui sépare du “soleil” et du “ciel recueilli ravagé de lumière pure”. C’est très beau ce que tu écris.

    La porte

    Ouvrez-nous donc la porte et nous verrons les vergers,
    Nous boirons leur eau froide où la lune a mis sa trace.
    La longue route brûle ennemie aux étrangers.
    Nous errons sans savoir et ne trouvons nulle place.

    Nous voulons voir des fleurs. Ici la soif est sur nous.
    Attendant et souffrant, nous voici devant la porte.
    S’il le faut nous romprons cette porte avec nos coups.
    Nous pressons et poussons, mais la barrière est trop forte.

    Il faut languir, attendre et regarder vainement.
    Nous regardons la porte ; elle est close, inébranlable.
    Nous y fixons nos yeux ; nous pleurons sous le tourment ;
    Nous la voyons toujours ; le poids du temps nous accable.

    La porte est devant nous ; que nous sert-il de vouloir ?
    Il vaut mieux s’en aller abandonnant l’espérance.
    Nous n’entrerons jamais. Nous sommes las de la voir.

    La porte en s’ouvrant laissa passer tant de silence

    Que ni les vergers ne sont parus ni nulle fleur ;
    Seul l’espace immense où sont le vide et la lumière
    Fut soudain présent de part en part, combla le cœur,
    Et lava les yeux presque aveugles sous la poussière.

    Simone Weil (1941)

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