Cinquantième semaine, déjà. Comme pour toutes les dizaines, je vous propose un poème que j’aime particulièrement ; celui d’aujourd’hui est extrait des Illuminations de Rimbaud (rédigées entre 1872 et 1875 et publiées pour la première fois en intégralité en 1895), la quatrième partie d’un poème intitulé « Enfance », qui se compose de cinq poèmes plus ou moins indépendants les uns des autres, en tout cas relevant du même mode d’écriture (d’ailleurs, je me rends compte que ce processus ressemble à celui des Instants-Nés).
ENFANCE
IV.
Je suis le saint, en prière sur la terrasse, – comme les bêtes pacifiques paissent jusqu’à la mer de Palestine.
Je suis le savant au fauteuil sombre. Les branches et la pluie se jettent à la croisée de la bibliothèque.
Je suis le piéton de la grand’route par les bois nains ; la rumeur des écluses couvre mes pas. Je vois longtemps la mélancolique lessive d’or du couchant.
Je serais bien l’enfant abandonné sur la jetée partie à la haute mer, le petit valet suivant l’allée dont le front touche le ciel.
Les sentiers sont âpres. Les monticules se couvrent de genêts. L’air est immobile. Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant.