Auschwitz, Oswiecim : des noms de lieux. Bien trop de lieux. On pourrait dire aussi : de non-lieux. Et la poésie ? La poésie ? Les briques, les cheminées, les trains, les ordres, la poésie, la rampe, les chiens, les dents, le froid, la poésie, les flammes.
S’il y avait eu la poésie, nous l’aurions su, dit Avram.
Puis, se ravisant : je dis n’importe quoi.
Oui, la poésie, conclut Eizik. La poésie comme un plafond déguisé en ciel.
C’est toi qui dis n’importe quoi, maintenant. (…)
Et si la poésie avait été comestible ? Autant imaginer qu’elle aurait été, alors, également, inflammable, dégradable, fragile. Ne l’est-elle pas toujours ? Pas par décision. Non, mais s’accrocher, ramper, résister, la poésie le peut, elle aussi.
C’est possible mais comment le prouver ? Et surtout qui le voudrait ?
Oh, la poésie nous restait sur l’estomac, comme une pierre. Et là-bas, à Auschwitz, certains en avalaient.
C’est pour dire, se tait Avram.
Extrait de CosmoZ, Claro, paru en 2010 chez Actes Sud. 597 pages de tornades, de métamorphoses, de corps, d’explosions (métalliques & Cie), d’errances, de rêves, d’éclats : condensé de poésie in extremis…