Je suit un autre

« Je est un autre » ? – non ; « je n’est pas », en soi. Je n’existe que dans le mouvement – imitation, révolte, ou fuite. L’invention, donc.

Je suit un autre.

Étrange réflexion quand on réfléchit et parle de la poésie. En effet, même quand elle n’est pas purement lyrique et amoureuse, le Je du poète est omniprésent, fondateur ; et c’est paradoxalement cette individualité qui fait la puissance évocatrice de la poésie, que chaque lecteur puisse s’y retrouver, à un moment ou un autre de sa vie, les sentiments et/ou idées transmises par le poète pouvant être ressentis par tout être humain. C’est donc ce Je particulier du poète qui crée la portée générale de la poésie.

Jusque là, rien de nouveau.

Mais ce Je en lui-même n’existe que tant qu’il effectue un mouvement ; qu’il suit, véritablement, un idéal, quel qu’il soit : la beauté, l’amour, aussi bien que la liberté, l’envie d’écrire, d’être reconnu-e… qui constitue un but pour le poète.

Un but qui peut être, justement, l’absence d’objectif avoué, lorsque la poésie est envisagée comme errance ou résultat d’une errance, ou alors comme manifestation libre et aléatoire de l’inconscient (coucou les Surréalistes!).

Elle a un but, même lorsqu’elle recherche, au contraire une absence de but ; et c’est précisément son objectif de coïncidence hasardeuse qui constitue son but.

Objectif : ne pas avoir d’objectif, en quelque sorte.

Il ne peut pas ne pas y avoir de but. Sinon, il n’y a rien en soi : la création est la volonté de construire, d’arriver à quelque chose. En créant, en laissant s’exprimer sa subjectivité (ou ce qu’on croit être la subjectivité puisque notre « être intérieur » est en perpétuelle évolution, même minime), en suivant un but et/ou une doctrine.

En outre, on se construit par rapport aux modèles passés – d’une époque révolue depuis des centaines d’années ou depuis quelques jours – ou bien présents. On crée et se construit contre eux, ou dans leur continuité, toutes les nuances étant possibles.

De cette manière, on suit forcément quelqu’un ou quelque chose.

Ces observations sont valables pour ce qui concerne la création artistique (particulièrement poétique) mais aussi pour la vie en général (pour la poursuite ou le rejet d’un ou des modèle(s).)

Par conséquent : Je suit un autre.