La poésie du mercredi (#63)

Hier, comme vous le savez, c’était la “journée de LaFâme”. En vrai, on dit “journée internationale des droits des femmes”, mais bon, faut croire que c’est un peu trop long à prononcer. Du coup, on célèbre La Féminité La Seule Et L’Unique Avec Des Majuscules à grand renfort de promos sur, en vrac, les cosmétiques, l’électroménager, les fleurs, enfin les trucs de fille hein, dès qu’il y a un peu de rose et qu’on peut en faire une “blague sur les blondes” ça rentre dans le schéma de toute façon, alors pourquoi se fatiguer – et non pas s’emmerder puisque, n’est-ce pas, votre humble servante étant pourvue d’une paire de seins et d’un utérus plus ou moins en état de marche, les gros mots c’est vulgaire dans la bouche d’une fille et que le pire qui puisse arriver à une fille, ne l’oublions pas, c’est d’être vulgaire. Ou prude. Ou hypocrite si on se trouve entre les deux. Bref. Je disais ? Ah, oui, donc pourquoi se fatiguer à parler du viol, du harcèlement de rue, du fait que TOUT est genré (la plupart du temps au détriment des filles), du plafond de verre, des injonctions sociales aussi intenables que contradictoires… ? Hein ? Bah oui, après tout hein, “c’est comme ça”. C la Nature. Bon. Je vais m’arrêter là sinon on va me demander si j’ai mes règles (réponse : non), si je suis frustrée sexuellement (réponse : non) et si je déteste les hommes (réponse ? Oui. Je veux tous les tuer pour instaurer une dictature de lesbiennes à la place. On se reproduira par parthénogenèse, ça sera cool).

Tout ça pour introduire la poésie de ce mercredi, plus précisément le texte d’une chanson de 2002 et de la chanteuse Juliette, extraite de son album Le Festin de Juliette. Voici donc “L’Éternel féminin” :

L’ÉTERNEL FÉMININ

Dans mon sous-sol crasseux où brûlent mes fourneaux
Où les âmes damnées grillent de bas en haut
Regardez qui est là, qui attise les flammes
Régnant sur les Enfers, le Diable est une femme

Rien d’étonnant n’est-ce pas ? des brunes jusqu’aux blondes
Par elles sont advenus tous les malheurs du monde
Le Diable est une femme, et vous vous en doutiez :
La place d’une femme n’est-elle pas au foyer ?

Sur mon lit calciné
Lascive et si cruelle
Comment pour m’invoquer
Faut-il que l’on m’appelle ?
Mes diables et mes hommes
Et Dieu même en personne
Tout simplement me nomment
Patronne !

Depuis tant de prophètes, de savants vertueux
L’équation est logique c’est la preuve par deux
On l’a tant proclamé sur un ton formidable :
“Le Diable est une femme, les femmes c’est le Diable !”

Et qu’elles soient victimes ou qu’elles soient complices
De leurs mâles et fils et de leurs maléfices
Frappez donc les premiers, Talibans ordinaires,
Ces démons adorés, car il faut les faire taire !

Sur mon lit calciné
Lascive et si cruelle
Messieurs, venez m’aider
À ôter mes dentelles !
Dans vos brûlants émois
Ainsi que je l’ordonne
Allez, appelez-moi
Patronne !

Quel que soit le brigand il y a la corruptrice
Consciente du pouvoir qui dort entre ses cuisses
Qui susurre les ordres et les avis funestes
Vous mes sœurs les salopes, les putains et les pestes

Derrière chaque type sans foi ni loi ni âme
Si vous cherchez le Diable, vous trouverez la femme
La gueuse la traîtresse la garce la sorcière
La fille de Borgia et la maman d’Hitler !

Sur mon lit calciné
Lascive et si cruelle
Je vous attends, venez
Mes belles demoiselles
Que votre dernier mot
Que la vie abandonne
Soit, dans un soubresaut
Patronne !

En attendant je compte vos crimes et vos bassesses
Tous vos pieux mensonges et vos histoires de fesses
J’encourage le vice, je provoque des guerres
Je dirige le monde et Dieu me laisse faire !

Parce que Dieu se fout bien de vos petits tourments
Avec ses anges blancs dans son blanc firmament
Dieu est tellement belle, c’est une femme généreuse
Mais ne vous y fiez pas : ça n’est qu’une allumeuse !

Sur mon lit calciné
Lascive et si cruelle
Pour fêter vos péchés
Je réponds à l’appel
Et pour me faire venir
D’une voix qui frissonne
Il suffit de redire
Patronne…